(J'ai inventé un nom pour la directrice, mais que quelqu'un me dise si ça ne va pas ^^)
Mrs Thompson, assise derrière son majestueux, n'en était pas moins imposante. C'était un vrai mastodonte, une énorme femme en tailleur crème et chocolat, chignon poivre et sel perché en haut de sa tête. Elle réglait les demandes d'emplois. Ils voulaient devenir professeurs... ! Mrs Thompson le savait, c'était du sale boulot, et il vaut mieux associer la pédagogie avec la cuisine. Elle se demandait souvent si mettre tous les élèves de tous les niveaux ensemble était une bonne idée, mais ne recevant jamais de courriers indignés des parents d'élèves, elle finissait toujours par rester en sa position. En réalité, à partir du niveau du lycée, les élèves étaient plus matures et empêchaient les plus jeunes de s'occuper des petits. C'était un raisonnement simple mais efficace. Mrs Thompson était tout de même fière de son académie : La plupart des élèves en sortaient diplômés et devenaient de bons cuisiniers.
La vieille dame eut un sourire satisfait : La majorité des curriculums vitae était satisfaisante. Elle les mit sur un coin de son bureau, rajusta l'éclat de sa lampe (on y voyait à présent assez clair), et se saisit d'une pile de réclamations de professeurs. Cependant, elle n'eut pas le temps de regarder ne serait-ce que la première des feuilles. Quelqu'un frappa à la porte. Trois tocs réguliers, un peu aggressifs peut-être. La directrice énonça avec force, d'une voix de rocaille :
- Entrez !
La poignée eut un petit déclic, puis tourna. La porte s'ouvrit, et une gigantesque silhouette apparut dans l'entrebaîllement. C'était un très grand jeune homme, de sûrement presque deux mètres. Il possédait des cheveux courts d'un roux intense, ainsi que deux yeux immenses, très noirs. Son visage était criblé de petites taches de rousseur. Il portait une chemise blanche, retroussée aux coudes, découvrant de robustes avant-bras, ainsi qu'un jean qui tombait sur ses tennis noires. Malgré sa grande taille, son allure n'était pas maladroite, et bien qu'il se tînt un peu voûté, sa démarche était sûre, mais un peu étrange, comme s'il marchait sur la pointe des pieds. Il arborait une moue un peu grognon, il avait l'air farouche, presque sauvage. Tout cela fit que, malgré son jeune âge, il était aux yeux de Mrs Thompson un homme très séduisant. Il s'adressa à elle d'une voix très grave. Ses mots n'étaient pas très audibles, comme s'il les mâchait entre ses dents.
- Vous m'avez appelé, madame la directrice ? demanda-t-il.
Mrs Thompson, d'un signe de la main, désigna l'un des sièges qui faisaient face à son bureau. Elle dévisagea le jeune homme de son regard gris acier, puis lui dit :
- Votre nom, s'il vous plaît ?
Le jeune homme hésita quelque peu. Il eut un mouvement bref de recul, puis répondit d'une voix plus intelligible, un peu traînante :
- Alvin Rockbell, madame.
La directrice chercha dans son registre. Il y avait effectivement là un Alvin Rockbell, qui s'était inscrit à l'académie trois jours auparavant. Mrs Thompson remarqua :
- Vous ne m'avez pas l'air très motivé.
- S'il vous plaît, pas de préjugés, au final je suis quelqu'un qui s'investit beaucoup.
- Oh.
Un silence s'imposa. La directrice finit par dire :
- Ici, peu importe le niveau, j'aimerais juste que vous sachiez qu'il faut travailler dur. La cuisine est un art éphémère, et tout ce que le cuisinier doit faire, c'est se donner au maximum, afin que son art soit apprécié. Si vous êtes ici par pure curiosité, je vous prierai de passer votre chemin, ou de vous consacrer entièrement à l'art culinaire. Suis-je bien claire, Mr Rockbell ?
Alvin releva la tête. Il fixa quelques instants la directrice de ses yeux de cendre, puis se leva.
- Oui, répondit-il. J'en tiendrai compte.
Il se dirigea à pas feutrés vers la porte, puis inclina la tête.
- Bonne journée, Mrs Thompson.
Puis il disparut derrière la porte, en prenant soin de bien la refermer.
La directrice éclata de rire. Décidément, ce Rockbell n'avait pas fini de l'amuser, quel phénomène !